vendredi 19 novembre 2010

Jean-Jacques Rousseau : Le mal aimé... des encyclopédistes.


Peu d'écrivains ont attiré tant de haines… Aborder l'œuvre de Jean-Jacques Rousseau, c'est souvent aborder son œuvre sans vraiment la connaître et avec des préjugés liés aux commentaires peu amènes de ses détracteurs. On dit souvent qu'une rivalité d'hommes de lettre opposait Voltaire et Rousseau. Il faudrait parler d'aversion ! Rousseau en paie encore le tribut…

L'animosité des français contre Rousseau commence le plus souvent, à l'école où le Contrat Social est une des figures imposées des cours de philosophie. Il faut admettre que le propos n'est pas toujours très clair et la relecture de certains passages pour établir ce billet m'a conforté dans cette idée.


L'idée générale du discours qui oppose l'autorité et la liberté est connue : "Aucun homme n'a sur son semblable une autorité naturelle". Où cela se complique, c'est quand l'auteur s'efforce de nous convaincre qu'il existe une volonté générale, liée à l'orientation générale de l'individu pour le bien ; et une volonté de tous, liée à la volonté de la communauté pour le mal et que ces deux volontés s'opposent… (je ne suis pas plus clair dans mon propos, me direz-vous). Et Rousseau de nous proposer qu'un " législateur" persuade les gens que la volonté de tous soit la volonté générale. Quitte à ne pas lui demander son avis ! On comprend que Robespierre se soit nourri des idées de Rousseau. Mêmes causes, mêmes conséquences. Robespierre fut guillotinée et Rousseau haï…


A la décharge de Rousseau, il admit rapidement qu'il s'était trompé et que sa copie était à corriger. Il avait été influencé, en cela, par Diderot, lui-même trompé par les descriptions édulcorées du bon sauvage relatées par les navigateurs à la mode. L'axiome qui rend la société responsable de l'imperfection de l'homme est, d'ailleurs, encore utilisée aujourd'hui par des intellectuels qui n'ont pas lu Rousseau, par des adolescents en quête d'angélisme ou pour légitimer certains actes d'incivisme moderne (sic).


On comprend donc qu'un homme qui propose des idées pareilles soit amené à voir se dresser beaucoup de gens contre lui, et en particulier les encyclopédistes. Nous savons que la révolution n'est pas la conséquence de la misère du peuple mais le fait de la convoitise de la classe mobilière (bourgeoisie) pour le pouvoir de la classe immobilière (nobles, clergé). Rousseau, par ses écrits, allume le feu de la sédition et détruit la société. On pourrait aisément traiter ses idées de populistes ! Il faut donc voir dans son décret d'arrestation de 1762 une riposte de la bourgeoisie Voltairienne contre le désordre social.


On doit à la troisième République et à Gavroche chantant sur les barricades d'avoir essayé de réconcilier Voltaire et Rousseau. La vérité est tout autre. C'est la Constituante qui a porté Voltaire au Panthéon mais c'est Robespierre qui a imposé Rousseau, en 1794, à son meilleur ennemi.


On doit aussi aux grands critiques littéraires de cette troisième République, Brunetière, Faguet et Lemaître de lui avoir taillé le costume sur mesure de représentant du "mal" qui lui colle à la peau, aujourd'hui. Je n'ai guère d'affection pour le personnage, moi non plus. Se qualifiant de profondément chrétien, son sens moral n'est pas un exemple, cela a été assez dit. On pourrait objecter que l'époque était différente mais quand même…


Il y a la musique où il n'a pas excellé. Il y a la botanique où l'on excelle quand on est un peu revenu de tout… On a souvent dit que Rousseau (surtout sur la fin de sa vie) était détraqué. Henri Guillemin nous dirait que c'était parce que, toute sa vie, il avait été traqué ! Parce qu'il disait la vérité…


Je vous propose, comme mise en bouche (demain, je proposerai, sauf imprévu, une édition complète), un recueil de Pensées de Rousseau de 1763. Rousseau n'aimait pas ce florilège qui fut un grand succès : "Ces Pensées sont bien de moi, mais ce ne sont pas mes pensées". Un horrible bonhomme, vous disais-je ! Pierre


ROUSSEAU Jean-Jacques. Les Pensées de J.J. Rousseau, citoyen de Genève. A Amsterdam, 1763. 1f, xij, 404 pp, 3(ff) dont 2 de table. Reliure plein veau de l'époque. Dos lisse orné de motifs dorés. Dorures en coupe. Pièce de titre maroquin rouge. Coiffes et coins frottés. Petite tache d'encre (2cm) en bas des deux premières feuilles. Pas de rousseur. Bel exemplaire. Vendu

3 commentaires:

Pierre a dit…

Le luxe nourrit cent pauvres dans nos villes, et fait périr cent mille dans nos campagnes

Le luxe peut être nécessaire pour donner du pain aux pauvres ; mais s'il n'y avait point de luxe, il n'y aurait point de pauvres...

Il me semble avoir entendu cela, dans les années 1970, dans la bouche d'un futur chroniqueur de football passé par l'écologie. Il me semble aussi l'avoir entendu dernièrement dans la bouche d'un p'tit facteur Montmartois !

Quand la justice se nourrit d'égalitarisme, on est jamais loin de la haine des classes. Alors, Rousseau ? Bon ou méchant ? Pierre

Textor a dit…

Enfants, nous allions jouer au Clos (Jardin public, Chambéry) et notre mère ne manquait pas de nous montrer « la statue-de-Jean-Jacques-Rousseau-qui–descend-de-sa-montagne ! ». J’ai gardé pour l’auteur des Rêveries d’un Promeneur Solitaire une certaine nostalgie. Mais le bonhomme ne manquait pas de paradoxe, à commencer par celui d’écrire un traité d’éducation puis de mettre ses enfants à l’assistance !
Textor

Pierre a dit…

Je crois que ce comportement ne lui sera jamais pardonné !

Il écrivait " Celui qui ne peut remplir les devoir de père, n'a point droit de le devenir. Âme vénale ! Crois-tu donner un autre père à ton fils avec de l'argent ? "

Les donneurs de conseil sont souvent ainsi qui ne s'appliquent jamais leurs préceptes. Je pourrais vous en donner plusieurs en exemple (du passé, du présent).

Il fut un temps où le respect de la notoriété et de la fonction permettait l'absolution des fautes. Reconnaissons que Rousseau n'en a jamais profité ! Pierre