lundi 23 mai 2011

Causerie du lundi de Philippe Gandillet : Discours sur la jeunesse d'esprit pour remercier Bernard d'avoir trouvé les Armes d'une reliure…

 
On sait tous que Pierre, notre libraire tarasconnais, possède un vernis bibliophile qui ne lui permet de briller qu'au soleil des plus avertis que lui. Il désespérait de pouvoir vendre un joli maroquin aux Armes marquisales faute de pouvoir en identifier l'origine. Et ce matin, quelle ne fut pas ma surprise de voir cet ouvrage trôner sur la chaise Académique qu'il me réserve à la boutique, quand je dois le remplacer ! Il me demande de remercier un libraire à la retraite, qui d'un mouvement de la main a balayé l'océan d'incompétence qui remplace la matière grise de notre infortuné boutiquier. L'ouvrage prend dorénavant une plus value que je me propose de réaliser à travers cette causerie dilettante du lundi…



Cher B****, (que nous n'appellerons pas Bernard pour respecter la confidentialité de l'échange)
Autour de vous, tout se corrompt, tout s'écroule, tout fout le camp. Les commandes de cette machine admirablement huilée que vous étiez répondent de moins en moins à vos sollicitations, certaines d'entre elles n'obéissent déjà plus du tout. Votre vue déconne. Vos veines et vos artères charrient un sang alourdi de cholestérol, qui ralentit peu à peu toutes vos fonctions vitales.
Et pourtant vous êtes là, à la fois enthousiaste, vulnérable et heureux. Heureux de parcourir la dernière ligne droite mais marri de n'avoir pas accompli tout ce dont votre jeunesse rêvai. Heureux car votre cerveau fonctionne bien et reste le garant de votre valeur anthume. Vous venez encore de le prouver en aidant un jouvenceau à trouver une provenance improbable sur un ouvrage luxueux. Vous méritez donc qu'on vous panégyrise pour cela…



Si la vieillesse est un naufrage, elle est aussi pour le sage, une merveilleuse apothéose. Certes, la vieillesse peut-être considérée comme une épreuve pour un corps périssable, mais jamais pour l'esprit qui projette en lui et autour de lui, les dernières fulgurances, les dernières harmonies, les derniers enchantements d'une symphonie qui nous enchante. Votre cerveau, magnifique et orgueilleux seigneur de vous-même, luttera jusqu'à la dernière seconde pour vous restituer à travers une mémoire qui s'estompe quelquefois, les merveilles que vous avez vécues, les sensations inouïes que vous avez éprouvées, les souvenirs extraordinaires des instants lumineux qui furent votre fortune et votre raison d'être.


La vieillesse, amis seniors, frères du noble et dernier âge, la vieillesse est un immense et somptueux privilège, un trésor inestimable, une période grave et riche que la nature vous confie et dont le destin vous gratifie ! Si cet âge vous prive de quelques forces physiques, il concentre mieux vos forces spirituelles. Bonheur sans égal, vous n'avez plus à vous battre pour faire fortune et vous pouvez jouir sans remords de l'indécente aisance matérielle que vous avez accumulée ;-)) Si la jeunesse représente l'élan, l'aventure, la passion, la vieillesse est l'accomplissement, le havre, le capital et la cible de la vie. Soyez fier d'être âgé comme Pierre peut être envieux de l'envisager. Soyez de fermes et incontournables obstacles à la connerie, à la débandade et à la déchéance humaines ! La jeunesse se dissipe, elle obéit au principe du désordre. La vieillesse, au contraire, concentre, cristallise ; elle réunit les courants de pensée et prône les valeurs d'une vie en société qui vous est redevable…



B****, vous êtes la mémoire vivante du monde et de l'espèce. La vieillesse est tout cela et bien d'autres merveilles encore. Elle est le temps de la sérénité, la période où vous savez que les jeux sont faits, que nous ne pouvez plus rien changer à la destinée, ou si peu… Mais vous pouvez encore, par vos ultimes réflexions, nos conseils avisés, les gestes de tendresse esquissés par nos mains parcheminées, votre regard chargé d'amour, projeter sur vos proches toute la richesse intellectuelle que vous possédez. Parmi nous, il y a ceux qui prennent davantage qu'ils ne reçoivent et ceux qui donnent davantage qu'ils ne perçoivent. Vous venez, par le geste de bienveillance que vous avez accordé à Pierre, montré que vous apparteniez à cette dernière catégorie. Nul doute que notre libraire, un peu cul béni sur les bords, ne s'imagine que ce geste fasse partie de ceux qui vous amèneront droit au Paradis [ On n'est pas pressé, bien sûr ! ].



B****, cher ami, cher confrère, souvenez-vous que, jusqu'à l'ultime souffle de votre existence, vous pouvez tout ! Vous pouvez changer le monde, encourager les êtres par votre dynamisme et votre exemple et le transformer par votre enthousiasme créateur. Chacun de nous est le Seigneur de lui-même, a coutume de dire notre libraire. Il s'érigerait, comme vous et avec fierté, en apôtre de la bibliophilie si vous lui en concédiez ce privilège.
Votre dévoué. Philippe Gandillet



CLERGé. Livre d'église Latin-François suivant le nouveau bréviaire de Paris, suivi du commun des Saints et de différents offices reliés de façon anarchique. A Paris aux dépens des libraires associés.1765, petit in-8 (10,5cm/17cm). 1-164 / 331-380 / 441-600 / i- cxlix / … Plein maroquin cerise. Plats ornés d'un double filet avec roulette extérieure et motifs floraux en encadrement d'armes vraisemblablement postérieurs à l'ouvrage (ors plus brillants). Dos lisse avec caissons et filets dorés. Pièce de titre en lettres dorées. Filet sur les coupes et roulette intérieure. Toutes tranches dorées. Papier coloré en page de garde. Armes de Jean-Baptiste d'Asnières de la Chateigneraye, Gentilhomme Saintongeais. Il épousa, le 17 Juillet 1827, Hélène Octave Hersemminde de Narbonne Saint Girons. Mottin de la Balme dit avoir rencontré ces armes sur Contes et Fables du Comte de Ségur en 1809 ce qui corroborait, selon la police, le fait que les Armes soient postérieures à la reliure d'origine. Menus défauts de reliure. Ouvrage qui vaut pour sa reliure diront les bibliophiles… Vendu

8 commentaires:

Anonyme a dit…

"si la jeunesse savait, si la vieillesse pouvait!"

merci à la médecine qui nous garde nos anciens* en forme olympique.

christophe

*P.Gandillet en est le plus connu

calamar a dit…

ah, la reconnaissance des armes... surtout frappées, donc forcément très simplifiées par le graveur.
Le blason d'origine est un peu différent :
"coupé, en 1 d'argent à la face bandée d'or et de gueules de six pièces, qui est de Pons, en 2 d'argent à trois croissants de gueules, posés 2 et 1, qui est d'Asnières".
(Cf site des archives de Vendée).
Du même site on trouve :
- Jean Baptiste François Auguste (1785-1868), prince de Ponts-Asnières, deuxième marquis d'Asnières-la-Châtaigneraie, épouse en 1827 Hermessinde Octavie Hélène de Narbonne-Lara, fille du général vicomte Joseph Augustin de Narbonne-Lara et de Marie-Anne de Bauffremont, de la famille des Princes de Bauffremont.

Pierre a dit…

Bonne remarque, calamar, qui explique la difficulté de reconnaitre un blason quand il est tronqué sur une plaque. Me servira, dans l'avenir, de sauf-conduit. Pierre

Anonyme a dit…

La médecine soulage de la vieillesse mais ne la guérit pas, Christophe, vous le savez comme moi.

Et puis, d'ailleurs, Philippe Gandillet n'est pas vieux. Simplement il n'a pas d'âge ;-))

Pierre a dit…

Bernard vient de me téléphoner pour me dire qu'il n'était pas vieux. Dont acte ;-)) Pierre

Anonyme a dit…

Je confirme que la vieillesse est un privilège, quand elle n'est pas, hélas pour certains, un naufrage.
Preuve : j'ai retrouvé le "7" de "1765" que vous avez perdu.
Le Bibliophile Rhemus

calamar a dit…

ah, ce livre n'a pas été publié en 165 ? moi qui croyait que c'était un super-incunable...

Pierre a dit…

Bien vu, les vieux !! Pierre