mercredi 10 septembre 2014

Dictionnaire de gastronomie joviale par Robert Burnand et Gaston Derys. La bonne chair n'est pas triste...


C'est en feuilletant ce Dictionnaire de gastronomie joviale de Robert-Robert (Robert Burnand) et Gaston Derys que me sont revenus en mémoire les judicieux conseils que Philippe Gandillet vous avait donnés si, par bonheur, vous étiez invité à diner chez des gens bien élevés : un complément indispensable à ce remarquable ouvrage truffé d'un envoi autographe des deux auteurs…


" Arrivez exactement à l'heure qui vous a été fixée - Posez votre chapeau, canne, pardessus, manteau dans le vestibule mais gardez votre veste et votre pantalon. Un "Merci, mon brave" fera toujours plaisir au majordome qui vous aidera dans cette manœuvre tout en vous abstenant de lui glisser une pièce dans la main, surtout si c'est le mari de la maîtresse de maison qui vous accueille - Entrez discrètement. Si l'on vous présente à une autre personne, serrez la main qu'on vous tend sans la broyer. Avant de vous mettre à table, prenez toutes vos petites précautions pour n'avoir pas à vous déranger par la suite. Madame, rappelez-vous que dans une salle à manger vous ne devez pas vous remettre de poudre, de rouge ou de noir et refusez toute autre boisson qu'un "Kir-champagne" bu du bout des lèvres - Au moment de vous mettre à table, asseyez-vous en ayant soin de ne pas cogner vos genoux contre un pied de table et si cela vous arrive, ne poussez pas un juron retentissant qui ferait sursauter l'assistance. Dépliez votre serviette, ne la mettez pas autour de votre cou, ni dans votre col ; placer-la sur vos genoux. Admirez sans rien dire la belle ordonnance de la table, jetez un coup d'œil à vos commensaux, souriez leur discrètement et repérez ceux qui, pouvant vous être utiles, seront le sujet de toute votre attention.


Ne vous mettez pas à astiquer votre assiette. Attendez que tous les convives soient servis avant de commencer à manger. Si votre potage est très chaud, ne souffler pas dessus mais attendez qu'il refroidisse. Ne frappez pas la cuillère dans l'assiette et ne l'inclinez pas pour la portez à votre bouche - Durant l'attente du prochain plat, ne frappez pas votre verre avec votre couteau sous prétexte de vous rendre compte si c'est bien du cristal. Ne faites pas de boulettes avec la mie de pain. Rompez-le puis remettez-le à plat sur le plateau, dos en l'air. Ne ramassez pas la sauce avec et évitez à tout prix de le sucer puis de le replonger dans le plat en arguant que la préparation est délicieuse - Essuyez-vous aussi la bouche avant de boire afin de ne pas laisser de trace de graisse sur le bord du verre. N'avalez pas le contenu de votre verre d'un trait et après avoir bu, ne poussez pas un soupir à fendre l'âme. Pas de rot non plus, ou bien excusez vous auprès de la maîtresse de maison qui avec hypocrisie et stoïcisme vous affirmera que cela n'a aucune importance…


Soyez gentil et prévenant avec vos voisins, surtout avec la douce et jolie jeune femme à votre droite. N'en profitez pas pour lui raconter des histoires de corps de garde - Ne parlez jamais à table de médicaments, d'opérations chirurgicales, de noyés, d'animaux crevés ou de pêche à l'asticot. Ne faites du genou ou du pied à votre voisine qu'avant d'être absolument certain que cela lui plaira et dans ce cas seulement, faites attention à ce que son mari ne s'en aperçoive pas. Si par mégarde, vous laissez tomber votre fourchette, ne plonger pas aussitôt sous la table où se déroule une vie intime qui doit le rester mais redemandez un autre couvert au serveur.


Si l'on vous présente des rince-doigts, trempez-y simplement l'extrémité de votre main et ne retroussez pas vos manches ni ne faites du clapotis avec vos doigts. Ne fumez pas pendant le repas sous prétexte que c'est une habitude contractée du temps où vous étiez célibataires - Si le plat est particulièrement réussi, vous pouvez féliciter discrètement la maîtresse de maison mais n'allez pas vous aviser de lui dire que son rôti de veau est excellent si c'est du porc que l'on vous a servi. Enfin, si par malheur en fin de repas quelque convive raconte une histoire drôle, ne vous écriez pas "Celle-là, je la connais !" mais souriez gentiment comme vos voisins qui la connaisse aussi - Pour terminer, essayez pendant ce repas d'être spirituel et léger et vous serez à coup sûr, invité une deuxième fois. Si un convive, par exemple, révèle une information confidentielle destinée à être ébruitée, n'hésitez pas à vous fendre d'un "Parbleu, ça me troue le cul !" qui est toujours du plus bel effet... "


Bon appétit, Messieurs ! Ô ministres intègres (s'il en reste) ! Pierre


ROBERT- ROBERT- & DERYS (Gaston). Dictionnaire de gastronomie et joviale. Paris, Editions des portiques, 1930. Un volume In-8 broché à couverture illustrée, 242 pages. Robert-Robert est le pseudonyme de Robert Burnand. Couverture illustrée couleurs, texte sur deux colonnes. Bel exemplaire avec envoi autographe des deux auteurs. 48 € + port

1 commentaire:

Pierre a dit…

Un aparté... Je serai présent pour le centenaire de la mort de Mistral à Maillane [l'âme de la Provence], ces 13 et 14 septembre avec, sur mon stand, 16 caisses de littérature régionaliste. Le plus dur n'a pas été de les sortir de la boutique mais sera de les faire entrer de nouveau ! Pierre