lundi 13 avril 2015

Berquin, l'ami des enfans... d'hier et des parents d'aujourd'hui.


Si l'on en croit Ludvík Vaculík dans son livre " les cobayes", nous serions en mesure de nous poser cette question : On demande à tout homme de confiance d’aimer les enfants. C’est une qualité qui atteste sa sensibilité, sa bonté ou du moins sa bonne éducation. Ne pas aimer les enfants peut même paraître dangereux. Mais je soupçonne la plupart des gens de ne pas même savoir s’ils aiment vraiment les enfants, les enfants en général. Aimez-vous la plaine ? Aimez-vous Brahms ? Voici des questions auxquelles on peut répondre librement. Et, aimez-vous les enfants ? Euh, pourquoi me poser cette question ? On ne pardonnerait à personne une réponse négative. L’amour des enfants ? De quoi parle-t-on ?


En ce qui me concerne, je regarderais avec estime et inviterais à déjeuner celui qui me demanderait seulement : Quel genre d’enfants aimez-vous ?  Je n’aime pas les enfants indiscrets, bavards et bruyants. Je trouve antipathiques les enfants de parents qui leur accordent trop d’importance, exigent pour eux une nourriture particulièrement choisie et leur permettent d’éviter tous les désagréments dans lesquels nous autres nous sommes cependant contraints de vivre ! Je trouve répugnants les enfants auxquels les parents souhaitent une meilleure existence que la leur : à quel titre ? Débarrassez-nous, enfants chéris, des empoisonneurs, et nous pourrons vous considérer avec estime. Voilà qui est dit ! Je suis tout autant dégoûté par les enfants de parents trop faibles qui ne savent pas les maîtriser. 


Au cas où quelque nouvelle loi devrait mettre chacun dans l’obligation d’exercer une fonction publique, il y a un travail d'utilité publique qui serait à créer – c'est une idée que je soumets à notre gouvernement actuel : sillonner les rues, rechercher les enfants braillards, exécrables, les plier sur les genoux et les fesser jusqu’à ce qu’ils veuillent bien cesser de pleurnicher ! Certes, il y a des cas exceptionnels, mais vraiment exceptionnels, où l’enfant n’y est pour rien. Pourtant, même dans ce cas-là, je ne vois pas pourquoi il serait privilégié par rapport à nous… Quand je rencontre un enfant bête, je m’étonne que ça puisse exister. Y a-t-il de jeunes écureuils bêtes dans la forêt ? Aucun d’entre nous n’apprécie les adultes jobards et imbéciles, mais les petits nigauds, les jeunes idiots, sous le couvert de l’enfance, se faufilent librement parmi nous, profitent de notre indulgence pour tout ce qui est petit, et jouissent de notre amour, de notre bonté, de notre patience, de notre compréhension, de notre esprit de sacrifice et de notre tolérance, même… Mais je m'emballe !


Je m'emballe, car il serait si facile pour les enfants de se faire aimer ! J'en veux pour preuve l'édition de la série d'ouvrage que je propose aujourd'hui à la vente.  "L'ami des enfants" fut une publication sous forme de livraisons mensuelles reliées par deux ; il y a eu 6 volumes pour 1782, 6 pour 1783, et au total, 24 numéros ; chaque volume compte (144 + 144) 288 pages, un en compte 318pages (tome 17-18), le dernier en compte (144 + 130) 274 pages. L'adresse est au Bureau du journal, chez Brunet, librairie rue Git-le-Cœur, n°18 pour mon exemplaire.


Cet ouvrage a le double objet d'amuser les enfants, et de les porter naturellement à la vertu, en ne l'offrant jamais à leurs yeux que sous les traits les plus aimables. Au lieu de ces fictions extravagantes et de ce merveilleux bizarre dans lesquels on a si long tems égaré leur imagination, on ne leur présente ici que des aventures dont ils peuvent être témoins chaque jour dans leur famille. Les sentiments qu'on cherche à leur inspirer ne sont point au-dessus des forces de leur âme: on ne les met en scène qu'avec eux-mêmes, leurs parents, les compagnons de leurs jeux, les domestiques qui les entourent, les animaux dont la vue leur est familière. C'est dans leur langage simple et naïf qu'ils s'expriment. [...] Il y aura dans tous les volumes un petit drame, dont les principaux personnages seront les Enfants, afin de pouvoir leur faire acquérir de bonne heure une contenance assurée, des grâces dans leurs gestes et dans leur maintien, et une manière aisée de s'énoncer en Public, nous dit la préface…


Arnaud Berquin avait derrière lui une longue carrière de traducteur et d'adaptateur quand il entreprit L'Ami des enfans. Cet ouvrage était présenté, dès le Prospectus, comme un recueil de traductions, et le titre de la publication était lui-même inspiré du Kinderfreund de Weisse (24 vol. publiés de 1776 à 1782). Beaucoup de libraires d'ouvrages anciens possèdent aujourd'hui de très nombreuses rééditions de L'Ami des enfans, des abrégés, des illustrés de Berquin parfois invendables, les cartonnages romantiques à plaques en étant les plus brillants représentants. Il serait si facile pour les enfants de se faire aimer s'ils lisaient… Pierre


BERQUIN. L'ami des enfans. A paris, au Bureau du journal, chez Brunet, librairie rue Git-le-Cœur, n°18, sd (1787 ?). 24 numéros in 12 (13,5/9) ; chaque volume compte (144 + 144) 288 pages, un en compte 318 pages (tome 17-18), le dernier en compte (144 + 130) 274 pages. Reliure pleine basane fauve marbrées,, dos lisse, pièce de titre et de tomaison colorées, filets, roulette et motifs dorés, roulette sur les coupes. Bel ensemble avec menus défauts intérieurs et extérieurs. Il manque le deuxième tome (3-4) à cette rare série de 11 tomes. 390 € + port

1 commentaire:

Pierre a dit…

Mes propos ont, peut-être, dépassé ma pensée. René dans un courriel relativise la responsabilité des enfants en me rappelant que Montesquieu (Esprit des Lois Ch. V) écrivait déjà à son époque :

Ce n'est point le peuple naissant qui dégénère, il ne se perd que lorsque les hommes faits sont déjà corrompus.

Il faut toujours relire les livres anciens ! Merci René