mardi 19 mai 2015

Tacite. Nouvelle traduction de Jean-Baptiste Dureau. Bancable ?

Ave Vallaud-Belkacemator. Morituri te salutant !
Le gouvernement vient de voter un décret obligeant les communautés de commune à racheter tous les livres en latin et en grec qui sont catalogués chez les libraires d'ouvrages anciens afin d'indemniser une profession durement touchée par la réforme. En effet, l'enseignement de ces langues mortes risque tout bonnement de disparaître : le latin ne sera plus proposé obligatoirement dans tous les collèges à partir de la cinquième. Quant au grec, déjà malmené, on n’ose même pas l’évoquer…


Dans le projet de réforme soulignent les associations, l’enseignement des langues anciennes sera en effet tributaire des dotations horaires des établissements, et vaguement intégré aux "Enseignements Pratiques interdisciplinaires". Le chef d’établissement aura ainsi à choisir parmi 8 options pour l’année scolaire, parmi lesquelles un très flou "Langues et cultures de l’Antiquité ". La ministresse de l’éducation nationale avait assuré que l’enseignement du latin et du grec ancien serait " préservé ", lors d’une audition à l’Assemblée nationale. Les promesses n'engagent que ceux qui les croient, comme d'habitude.


Ultime galop d'essai, je vous présente une traduction de Tacite (Publius Cornelius Tacitus) dans une remarquable édition ancienne. Historien romain, du début de l'ère chrétienne, Tacite était issu d'une famille de la Gaule transalpine, cette classe sociale dynamique et prospère qui servait de soutien à l'Empire depuis le déclin des familles patriciennes romaines. Maîtrisant parfaitement l'éloquence, il fit une brillante carrière politique. Toutefois, pour ne pas attirer sur lui l'attention de l'empereur Domitien (81-96), toujours prêt à exiler ou à faire assassiner les personnages illustres de l'Empire, il n'accepta le consulat qu'en 97, sous l'empereur Nerva.


Sa production littéraire, s'inscrivant dans le cadre de son amitié pour Trajan et Pline le Jeune, était appréciée par le milieu impérial. Tacite fut l'historien officieux du régime, ce qui ne l'empêcha pas d'être aussi un historien critique. Après la Vie d'Agricola (98), éloge funèbre de son beau-père, il publia la Germanie (vers 98), un traité sur les mœurs des Germains. Ces deux œuvres sont l'occasion d'une étude sociologique sur les "Barbares".


Le récit des campagnes d'Agricola en Bretagne, et la compilation des récits des campagnes romaines en Germanie permettent à Tacite de brosser un tableau socio-historique de ces populations frontalières qui, à partir du moment où l'on commence à s'y intéresser, n'ont de barbare que le nom : dépassant les préjugés traditionnels, Tacite tend à reconnaître l'existence de cultures et de sociétés non romaines. Cette reconnaissance indirecte de la spécificité des Bretons et des Germains détruit l'image d'une barbarie homogène se définissant par opposition à la culture méditerranéenne.


Après les Histoires dont il ne reste que quatre livres, et qui décrivaient l'Empire de 69 à 96 (depuis la mort de Néron jusqu'à la chute de Domitien), Tacite publia les Annales (écrites vers 115-117), qui constituent, sans doute, sa grande œuvre historique.  On doit à Jean-Baptiste Dureau de la Malle, en 1793, cette traduction de Tacite, qui fit sa réputation. L'édition que je propose ici est la première réimpression qui fut donnée après sa disparition. Pierre


TACITE (DUREAU DE LAMALLE trad.) Tacite. Nouvelle traduction. Deuxième édition revue et corrigée. Paris, chez Giguet et Michaud, chez Nicolle, de l'imprimerie Mame, 1808. 3 volumes in-8 (20 x 13 cm). Reliure plein veau marbré, encadrement des plats par une élégante roulette, dos lisses à caissons dorés et pièces de titres maroquinées, gardes colorées, roulette sur les coupes, tranches jaspées.  Vol. 1 : vij, lxiv, xx, une carte rempliée, 415 pp - vol. 2 : 2 f., 417 pp - vol. 3 : 2 f., 405 pp. Bel exemplaire très frais. Ancienne étiquette de libraire. L'édition complète se fit en 5 volumes. 110 € + port

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Tous ces livres rachetés aux libraires d'ouvrages anciens sont-ils destinés à être ardés par des équipes spécialisées ?

René Beatty

Pierre a dit…

Cette information semble être sortie de mon imagination débridée. Cependant, l'industrie automobile s’intéresse à ce projet pour alimenter nos voitures grâce à cette énergie fossile... Pierre ;-))

Burnet-Fauchez a dit…



Avec le grec et le latin, c'est aussi le français qui est malmené par cette réforme qui s'en prend aussi à notre histoire. Il faudra bientôt un ministère de l'Inculture. Nous ne manquons pas de personnes qualifiées pour occuper le poste.

Pierre a dit…

L’étymologie latine et grecque de notre vocabulaire provient de la première mouture du dictionnaire de l'Académie française au 17eme siècle. Et si on revenait à l'orthographe d'avant beaucoup plus simpliste et phonétique ?

Je propose de créer une nouvelle commission du dictionnaire composée des responsables de cette réforme. Pierre ;-))